Une fille, un monde, le chaos
« GOOD LUCK ON THEM 20 SOMETHING » (20 SOMETHING, 2016)
Lorsque j’ai écrit ces lignes, SOS n’était pas encore sorti, et CTRL restait l’unique témoignage de SZA en album studio.
Son écho, toujours aussi vibrant, m’avait donné envie de comprendre pourquoi cet album nous parlait si fort à mes copines et moi.
Un miroir générationnel
En 2017, alors qu’elle est la seule femme du label TDE (qui produit entre autre, SchoolBoy Q ou encore Kendrick Lamar), SZA délivre son premier album studio intitulé “CTRL”.
CTRL, est avant tout une exploration tantôt simple et tantôt complexe de l’amour, de la jeunesse, une des raisons pour laquelle l’album signifie tant pour tant de monde. Pendant 50 minutes, nous flottons sur de la soul contemporaine de la pop, parfois de l'expérimentation rock pour revenir à un R&B plus alternatif, qui n’appartient qu’à Solana Rowe.
SZA ouvre la porte de sa vulnérabilité à plusieurs occasions notamment sur “Drew Barrymore” ou encore “Supermodel” qui ouvre l’album. Elle y exprime son manque de confiance en elle dans les relations amoureuses et affirme son besoin de se sentir soutenue et vue par son partenaire. En mêlant timbres vibrants, chœurs, basses, riffs de guitare et beats hip hop, la dynamique est réussie et l’artiste parvient à dépeindre de nombreuses facettes de cette tranche de vie, particulièrement celles des jeunes femmes. Sur « Garden (Say It Like Dat) », elle se fait la voix rare d'un R&B féminin qui lâche la garde et ose évoquer ses complexes physiques.
En réalité, l'album CTRL honore l'essence du R&B dans sa capacité à refléter émotions et doutes sans filtre tout en naviguant sur une pluralité de genres. L’énergie nouvelle de SZA rafraîchit la veine musicale de l’époque dominée par les beats héritées du “Cloud R&B”.
Ctrl, le manifeste féminin contemporain
SZA oscille entre universalité et naturalité et évite ainsi le cliché du pathos. La chanteuse se frotte aussi à des sujets plus délicats qu’elle aborde avec une approche de prise de pouvoir. “Doves In the Wind” et “Go Gina” en sont les parfaits exemples. Son approche des romances modernes souvent pleines de brisures d'ego, se fait sur un mode candide et sincère, voisine de Frank Ocean, qui implorent que le sentimental soit priorisé dans une ère de consumérisme musical. Certes, il est souvent question d’insécurités et de doutes lorsque l’on se plonge dans l’univers de SZA mais elle n’échoue pas à insuffler l’espoir de mieux grandir avec le temps.
« J'ai l'impression que les gens réduisent les femmes noires à une attitude, comme si on se foutait de tout. Mais il y a tant d'émotions et de pression, tant de fierté. On doit puiser dans tout ça. Il est important de donner aux femmes qui ne sont pas noires un aperçu des peurs et des doutes contre lesquels nous nous battons », expliquait SZA au site américain Pitchfork en 2017.
L’artiste, et les auditeurs avec elle, sont encouragés à prendre le contrôle de leur vie, à prendre les choses en main car la nécessité de s'approprier son histoire devient primordiale, surtout en tant que femme. Le véritable succès de CTRL réside dans la façon dont il a tenté de responsabiliser et élever les jeunes générations, nous montrant que nous ne sommes pas seuls. Nous sommes connectés à travers nos expériences, bonnes et mauvaises. La vingtaine a tendance à être pleine de doutes et de pertes mais peut-être un modèle de lumière et de beauté.
Avec CTRL, le R&B n’est plus seulement la musique de l’amour amoureux mais aussi et surtout, celle de l’amour de soi.